Au statut des entrepreneurs individuels en améliorant de manière sensible leur protection par une dissociation du patrimoine personnel en protégeant le second des créanciers professionnels …
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Outre cette réforme majeure, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 apporte un certain nombre de mesures visant à simplifier l’activité de l’entrepreneur individuel. Voici une revue de détail de cette nouvelle législation. |
Nouveau Statut pour les entrepreneurs individuels :
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 a créé un statut juridique unique pour l’ensemble des entrepreneurs individuels, c’est-à-dire « … Toute personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes … » (Loi n°2022-172 du 14/02/2022 – art.1er ; art. L.526-22 – alinéa 1er – C.Commerce).
Ce nouveau statut entrera en vigueur à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la date de promulgation de la loi, soit le 15 mai 2022. Il faut préciser que la loi sera complétée par décret.
Deux patrimoines pour l’entrepreneur individuel :
Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel étend une disposition qui, jusqu’à lors, était réservée à l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limité, c’est-à-dire la séparation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel.
Le nouveau statut dispense de toutes les formalités qui pèsent sur les EIRL :
LA SÉPARATION DES PATRIMOINES SERA DE PLEIN DROIT !
Ainsi, le patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel est composé :
- des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes ;
- des dettes professionnelles, notamment celles de cotisations et contributions sociales.
En conséquence, les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel (Loi n° 2022-172 du 14/02/2022 – art.1er ; art. L.526-22 – alinéa 1er – C.Commerce).
Quel impact pour les créanciers ?
Le patrimoine personnel devient insaisissable pour les créanciers professionnels et, en contrepartie, les créanciers non professionnels ne pourront pas agir sur le patrimoine professionnel …
ATTENTION, si le patrimoine personnel s’avérait insuffisant, les créanciers non professionnels pourraient se tourner vers le patrimoine professionnel dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos (Loi n° 2022-172 du 14/02/2022 – art.1er ; art. L.526-22 – alinéa 6 – C.Commerce).
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Prise d’effet de la séparation des patrimoines ?
Pour les entreprises individuelles déjà créées avant le 15 mai 2022, la séparation des patrimoines ne s’appliquera que sur les créances nées après le 15 mai 2022 (Loi n° 2022-172 – art. 19,1).
Pour les entreprises individuelles créées à compter du 15 mai 2022, la séparation des patrimoines s’appliquera à compter de la date d’immatriculation (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L-526-22, alinéa 3 – C.Commerce).
ATTENTION, la distinction des patrimoines ne permet pas à un entrepreneur individuel de se porter caution pour garantir une dette dont il est le débiteur (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L-526-22, alinéa 3 – C.Commerce).
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En cas de saisie, l’entrepreneur qui voudra la contester devra être à même de rapporter la preuve de l’inclusion des éléments saisis dans le patrimoine professionnel ou personnel …
Pour le créancier, sa responsabilité pourra être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il aura procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L-526-22, alinéa 7 – C.Commerce). |
Quelles conséquences en cas de fraude ?
L’administration fiscale ainsi que les organismes sociaux pourront saisir l’ensemble des biens (professionnels et personnels) d’une entreprise individuelle (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L-526-24 – C.Commerce), en cas :
- de manœuvres frauduleuses,
- d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales,
- dans le recouvrement de ses cotisations sociales.
Pourra-t-on renoncer à la séparation des patrimoines ?
OUI, l’entrepreneur individuel pourra renoncer à la séparation des patrimoines, à la suite d’une demande écrite d’un créancier, en lui conférant un engagement spécifique limité dans le temps et jusqu’à un certain montant.
Cependant, cette renonciation n’interviendra qu’après un délai de 7 jours francs à compter de la demande de renonciation. Ce délai pourra être ramené à 3 jours à l’initiative de l’entrepreneur.
Les modalités pratiques de ce dispositif seront précisées par un décret ultérieur (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L-526-25 – C.Commerce).
EIRL : que devient-elle ?
La création du statut unique de l’entrepreneur individuel entraîne, de facto, la disparition du statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée.
En conséquence, il n’est plus possible d’opter pour le statut de l’EIRL depuis le 16 février 2022 (Loi n° 2022-172 – art. 6, I, 1°).
Cependant, le statut EIRL est maintenu pour les entreprises ayant optées avant le 16 février 2022 (Loi n° 2022-172 – art. 6, II).
Si le nouveau statut de l’entreprise individuelle permet la séparation des patrimoines, qu’en sera-t-il lors de la cessation d’activité ? Le transfert du patrimoine professionnel à une société ou un successeur en est-il facilité ?
En cas de cessation d’activité : quid ?
En cas de cessation d’activité, comme de décès, de l’entrepreneur individuel, la séparation des patrimoines tombera automatiquement, permettant ainsi, le cas échéant, aux créanciers de se tourner sur l’ensemble des biens, professionnels comme personnels ….
ATTENTION : En cas d’ouverture d’une procédure collective ou de mise en état de cessation de paiement, la réunion des patrimoines ne sera pas applicable.
Ce dispositif ne sera pas applicable non plus si l’entrepreneur décède en étant en cessation des paiements mais aussi en cas de demande d’ouverture de procédure collective dans l’année du décès (Loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L.526-22 – alinéa 8 – C.Commerce). |
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Déclaration d’insaisissabilité : l’intérêt ?
A ce jour, un entrepreneur individuel peut protéger son patrimoine personnel grâce à deux règles (art. L.526-1 – C.Commerce) :
- Le caractère insaisissable de droit de la résidence principale par les créanciers professionnels ;
- La possibilité de déclarer insaisissable des autres biens immobiliers non affectés à son activité professionnelle pour les protéger des poursuites des créanciers professionnels.
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 précise que la séparation des patrimoines ne remet en rien en cause les dispositions légales relatives à l’insaisissabilité de certains biens, notamment celles prévues à l’article L.526-1 du Code de Commerce (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L.526-22 – alinéa 4 – C.Commerce).
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IMPORTANT : La Cour de Cassation a jugé que la cessation d’activité ne met pas fin, par elle-même, aux effets d’une déclaration d’insaisissabilité (Cass. Com. Du 17/11/2021 – n° 20-20821).
En conséquence, dans le cadre du nouveau statut, les créanciers professionnels pourront se payer sur les biens personnels de l’entrepreneur individuel lors d’une cessation d’activité à l’exception :
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L’entrepreneur cède son activité ou passe en société ?
A ce jour, les mécanismes juridiques de transmission d’un patrimoine professionnel sont relativement complexe …
Selon la nature des biens ou des droits transmis et du mode de transmission choisi, différentes règles juridiques sont applicables (droit de vente, règles de donation, procédure d’apport en nature de biens à une société, cession de créance, de dettes ou de contrats, etc …).
Un mécanisme unique …
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 simplifie les règles de transmission en mettant en place un mécanisme unique de transfert du patrimoine professionnel, que l’opération soit réalisée à titre onéreux, gratuit ou par apport à une société (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L.526.27 – C.Commerce).
Ainsi, l’entrepreneur individuel pourra réaliser la transmission de façon indivisible de tous les droits, biens, obligations et sûretés utiles à l’activité professionnelle, à l’image de ce qui s’opère en cas de fusion de sociétés.
EXCEPTION : En cas d’apport à une société, l’intervention d’un commissaire aux apports sera toujours requise lorsque le patrimoine professionnel apporté contient des constitutifs d’un apport en nature, c’est-à-dire d’un bien autre qu’une somme d’argent (Loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L.526-31 – C.Commerce). | ![]() |
Ce qui change ?
Afin de faciliter les opérations de réalisation d’un transfert universel du patrimoine professionnel de l’entreprise individuel, la loi n° 2022-172 exclut l’application de certains droits (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L.526-29 – C.Commerce).
- le droit de préemption des coïndivisaires en cas de cession de droits indivis (art. 815-14 – C.Civil),
- le droit de retrait permettant au créancier de se faire payer par l’acquéreur en cas de cession d’un droit litigieux (art. 1699 – C.Civil),
- le droit d’opposition des créanciers du cédant en cas de vente d’un fonds de commerce (art. L.141-12 à L.141-22 – C.Commerce).
En outre, la loi prévoit :
- En cas d’engagement contractuel de l’entrepreneur de ne pas céder certains éléments de son patrimoine professionnel, le transfert universel restera valable. Toutefois, l’entrepreneur encoure le risque d’un engagement de sa responsabilité sur l’ensemble de ses biens (loi n° 202-172 – art. 1er ; art. L.526-27 – alinéa 4 – C.Commerce).
- Un entrepreneur individuel locataire permet de céder son bail commercial au bénéficiaire du transfert universel, exception faite de toute clause contraire du bail (loi n° 2022-172 – art. 2 ; art. L.145-16 – C.Commerce).
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Une condition devra être respectée pour bénéficier de ce nouveau mécanisme : LA TRANSMISSION DE L’INTÉGRALITÉ DU PATRIMOINE PROFESSIONNEL
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Quelles modalités de publicité et d’opposition des créanciers lors d’un transfert universel du patrimoine professionnel ?
Le transfert universel devra faire l’objet de mesures de publicité afin de permettre aux créanciers de faire opposition dans un certain délai.
Les conditions de publicité et le délai pour former opposition seront définis par décret ultérieur.
Quels sont les cas de nullité d’un transfert universel ?
Un transfert universel du patrimoine professionnel pourra être sanctionné de nullité dans trois hypothèses (loi n° 2022-172 – art. 1er ; art. L.526-28 – alinéa 4 – C.Commerce).
- En cas de transfert partiel du patrimoine professionnel,
- En cas d’apport à une société nouvellement créée, lorsque l’actif disponible du patrimoine professionnel ne permettra pas de faire face au passif exigible sur ce patrimoine,
- Lorsque l’entrepreneur individuel ou le bénéficiaire du transfert sera frappé de faillite personnelle ou sous le coup d’une peine d’interdiction de gérer.
La séparation des patrimoines se révèlera particulièrement utile aux entrepreneurs qui se trouveront à faire face à des difficultés financières.
Quel sort pour l’entrepreneur individuel dans une procédure collective ?
La protection du patrimoine personnel :
A compter du 15 mai 2022, l’entrepreneur individuel ne sera tenu de remplir ses engagements à l’égard de ses créanciers professionnels que sur son seul patrimoine professionnel.
Ainsi en cas de procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre d’un entrepreneur individuel, tous ses biens personnels seront protégés. En conséquence, le liquidateur ne pourra pas vendre les biens personnels de l’entrepreneur pour régler le passif.
- Toutefois, le liquidateur pourra, sur la demande de l’entrepreneur et avec l’accord du juge-commissaire, vendre des biens ou droits composant son patrimoine personnel ou insaisissables par ses créanciers professionnels, lorsqu’une telle opération facilitera la réalisation des actifs du patrimoine professionnel soumis à une procédure de liquidation judiciaire (loi n° 2022-172 – art. 5 ; art. L642-22,II – C.Commerce).
- ATTENTION, en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif révéler lors de la liquidation judiciaire, le tribunal pourra condamner l’entrepreneur individuel à supporter tout ou partie du passif sur son patrimoine personnel (loi n° 2022-172 – art. 5 ; art. L.651-2 – C.Commerce).
Pourra-t-on exercer une nouvelle activité professionnelle tout en étant sous le coup d’une procédure de liquidation judiciaire ?
OUI ! Un entrepreneur faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire pourra, malgré tout, créer un nouveau patrimoine professionnel afin d’exercer une nouvelle activité professionnelle en parallèle (loi n° 2022-172 – art. 5 ; art. L.681-2-VII – C.Commerce).
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Cette disposition est limitée aux entrepreneurs qui n’auront pas fait l’objet, depuis moins de 5 ans, d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture d’une procédure de rétablissement professionnel.
En outre, la création d’une nouvelle activité professionnelle ne pourra en aucun cas résulter d’une opération entraînant la diminution de l’actif du patrimoine visé par la procédure de liquidation judiciaire. ATTENTION, l’entrepreneur individuel ne pourra pas constituer plus de deux patrimoines professionnels distincts de son patrimoine personnel. En conséquence, il ne pourra pas exercer qu’une seule autre activité parallèlement à celle soumise à la liquidation judiciaire.
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Liquidation judiciaire simplifiée : Précision !
Actuellement, la liquidation judiciaire simplifiée qui permet une liquidation accélérée ne peut s’appliquer qu’aux entrepreneurs qui ne possèdent aucun immeuble (art. L.641-2 – C.Commerce).
La loi du 14 février 2022 ouvre cette procédure pourra s’appliquer, dorénavant, aux entrepreneurs propriétaires de leur résidence principale.
Rétablissement professionnel : Maintenu et étendu …
A ce jour, la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation ouverte aux entrepreneurs, personnes physiques, dont l’actif n’excède pas 15.000 € et qui n’emploient aucun salarié (art. L.645-1 & R.645-1 – C.Commerce). Cette procédure permet l’effacement de la dette afin de permettre à l’entrepreneur en difficulté de rebondir.
La loi du 14 février 2022 adapte cette procédure au nouveau statut de l’entrepreneur individuel en précisant que le seuil de 15.000 € sera déterminé sur l’ensemble des patrimoines (loi n° 2022-172 – art. 5 ; art. L.645-1, alinéa 2 – C.Commerce) hors résidence principale.
ATTENTION : L’effacement de la dette ne pourra être appliquée si le passif est disproportionné au regard de la valeur de l’actif hors résidence principale (loi n° 2022-172 – art. 5 ; art. L.645-11 – C.Commerce).
Dorénavant, la procédure de rétablissement professionnel est ouverte aux EIRL.
Traitement des difficultés personnelles et professionnelles : Enfin de la coordination …
Qu’est-ce que la procédure de surendettement ?
En parallèle aux procédures collectives, il existe une procédure de traitement de surendettement réservée aux personnes physiques, cette procédure permettant d’aboutir à l’effacement des dettes personnelles et, depuis le 19 juin 2020, professionnelles.
Auparavant, le Code de la Consommation (art. L.711-1) considérait que le surendettement ne concernait que les dettes personnelles. La loi du 14 février 2022 met fin à cette contradiction en caractérisant le surendettement par l’impossibilité à faire face à l’ensemble des dettes personnelles et professionnelles (Loi n° 2022-172 – art.10 ; art. L.711-1 modifié – C.Consommation).
Traitement du surendettement : Ouvert aux entrepreneurs individuels ?
A compter 15 mai 2022, les entrepreneurs individuels pourront accéder à la procédure de traitement de surendettement pour leurs dettes personnelles alors qu’auparavant cette procédure était inaccessible pour les entrepreneurs qui faisait l’objet d’une procédure collective (loi n° 2022-172 – Art. 5 ; art. L.681-3, alinéa 1er – C.Commerce).
Procédure collective et traitement du surendettement cumulés : Comment ça marche ?
Un entrepreneur ne pouvant faire à ses dettes, il devra saisir le tribunal compétent (Commerce pour les commerçants ou Judiciaire pour les professionnels libéraux).
ATTENTION, Si les dettes ne concernent que le patrimoine personnel, l’entrepreneur ne pourra pas pour autant saisir directement la commission de surendettement.
Dans ce cas, c’est le tribunal compétent qui renverra l’affaire, avec l’accord de l’entrepreneur, devant la commission de surendettement. En revanche, si l’entrepreneur est en état de cessation de paiement sur son patrimoine professionnel, le tribunal ouvrira la procédure collective. |
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Si les difficultés impactent à la fois les patrimoines professionnels et personnels, deux situations sont possibles :
- La distinction des patrimoines a été bien respectée et le droit de gages des créanciers professionnels ne porte pas sur le patrimoine personnel, le tribunal ouvrira donc une procédure collective et saisira la commission de surendettement pour le traitement des dettes personnelles.
- Pour les autres cas, le tribunal traitera des dettes dont l’entrepreneur est redevable sur ses deux patrimoines.